Racisme à l’Ecole : comprendre pour agir

Les réalités des jeunes

Que faire face au racisme ?

Que faire face au racisme ?

Que faire face au racisme ?

Dans notre volonté d’être un véritable partenaire du milieu scolaire, nous avons souhaité recueillir les témoignages des jeunes sur le terrain. Nous avons rencontré et travaillé avec un groupe de jeunes investi au sein de la Cellule éducative de la Maison de la Prévention d’Auderghem (CEMPA).

Notre processus

Pour commencer, nous avons organisé deux ateliers avec pour objectif de comprendre leurs représentations du racisme, décortiquer ce qu’est le racisme systémique? et mieux comprendre ce que chacune vit dans son école. Par la suite, nous avons réalisé des vidéos pour mettre en avant la réalité des jeunes. Dans une démarche participative et horizontale, «  pour et par  » le public, nous avons proposé aux jeunes de s’interviewer les unes les autres et ainsi, se mettre dans la peau de journalistes.

Ces entretiens vidéo nous ont permis de recueillir des témoignages situés, illustrant leurs réalités sur le racisme et leurs propositions pour faire bouger les lignes. Ci-dessous, en complément de chaque vidéo, nous proposons d’appuyer et rebondir sur les propos amenés par les jeunes, en faisant des liens avec la littérature scientifique et militante. Cette démarche a pour objectif de venir appuyer leurs propos, car, loin d’être des expériences isolées, ils reflètent un état général dans la société et une discrimination systémique bel et bien présente.

Le racisme comme système

Dans ces vidéos, les jeunes définissent le racisme à partir de leurs vécus et leurs connaissances, et mettent en avant plusieurs éléments importants :

Le racisme est une forme de discrimination, c’est-à-dire un comportement où une personne appartenant à un groupe minorisé est traitée de façon différenciée. Cet aspect du racisme est la dimension interpersonnelle et s’exprime dans les interactions personnelles comme les mises à l’écart, les moqueries, les insultes et le favoritisme mentionnés par les jeunes. L’exemple d’une élève dont les cheveux sont touchés sans permission fait aussi partie de micro-agressions raciales qui peuvent être subies dans les interactions quotidiennes.

Le racisme est aussi une organisation sociale héritée de l’histoire coloniale et l’esclavagisme, période où la théorie des races? était prévalente. Aujourd’hui, il a été prouvé que les races? n’ont pas de fondement biologique, mais ces théories ont laissé des traces au niveau de la société, de la hiérarchisation des groupes et la perception de certaines communautés. Cet aspect est la dimension systémique du racisme. Elle peut s’observer dans les dimensions plus structurelles de la société, comme la difficulté d’accès à l’emploi, telle que le mentionnent les jeunes.

Les propositions des jeunes pour lutter contre le racisme

Parmi les initiatives proposées par les jeunes, plusieurs sont prouvés avoir des effets? de changement selon la littérature scientifique.

Les cercles de paroles

Cette méthode a été plusieurs fois étudiée dans les théories de justices réparatrices, et a montré des résultats positifs, notamment dans les écoles.
Selon un rapport américain ayant examiné 220 écoles, deux types de cercles peuvent être proposés, en complémentarité : les cercles proactifs, qui visent à prévenir les conflits en développant des compétences de résolution de conflits et en renforçant les liens interpersonnels et communautaires au sein de l’école ; et les cercles réactifs, qui interviennent pour résoudre les conflits et réparer les relations. Dans les écoles ayant mis en place ce programme, on observe une augmentation de l’affection pour l’établissement, un sentiment accru de sécurité, ainsi qu’une amélioration des compétences en résolution de conflits tant chez les élèves qu’au niveau du personnel. Cette méthode, généralement utilisée dans des cas de harcèlement scolaire, pourrait également être efficace pour aborder les questions de racisme1.

Ces espaces, parfois qualifiés aussi de “safe space”, permettent effectivement aux personnes d’avoir un espace où parler du racisme, de libérer la parole, de partager des vécus mais aussi d’établir des solutions communes.

Personnes de confiance à l’école

La mise en place d’une personne de confiance dans une école peut être une initiative antiraciste utile et efficace, car elle offre un point de contact sécurisant pour les élèves cibles ou témoins de comportements racistes. Cette personne joue un rôle crucial en permettant aux élèves de s’exprimer librement et de recevoir un soutien adapté. La présence d’une personne de confiance contribue à créer un environnement scolaire plus inclusif, où les préoccupations liées à la discrimination sont prises au sérieux et traitées de manière proactive. De plus, cette approche favorise un environnement de respect et de diversité, essentielle pour lutter contre le racisme institutionnel?.

Cependant, l’efficacité de cette initiative dépend fortement de la formation et de l’autonomie de la personne désignée. Une formation insuffisante peut limiter sa capacité à traiter des situations complexes de racisme2. De plus, sans un soutien institutionnel adéquat, la personne de confiance peut se retrouver isolée, ce qui réduit son impact?. Il est donc crucial que cette initiative s’accompagne de politiques claires, de ressources suffisantes, et d’un engagement fort de l’administration scolaire pour être véritablement efficace3.

Programmes scolaires

La nécessité de réviser les programmes scolaires en Belgique est primordiale pour lutter efficacement contre le racisme systémique?. Il est crucial de mieux enseigner l’histoire de la colonisation et ses impacts durables, en soulignant son lien direct avec les manifestations contemporaines de racisme systémique?.

Actuellement, les programmes scolaires manquent souvent de représentation des groupes minorisés et se centrent principalement sur une vision eurocentrique de l’histoire. La compréhension critique de l’histoire coloniale est essentielle pour déconstruire les stéréotypes raciaux et promouvoir une société plus inclusive. De plus, l’intégration d’une perspective mondiale et diversifiée dans les programmes scolaires favorise un environnement d’apprentissage plus équitable et respectueux (Van Nieuwenhuyse, 2019).

En révisant les programmes pour inclure une représentation plus fidèle et diversifiée des différentes cultures et histoires, les écoles belges peuvent jouer un rôle vital dans la promotion de l’égalité et la réduction des préjugés raciaux.

Sensibilisation à l’école

La sensibilisation au racisme et à la discrimination est un élément central dans la lutte pour l’égalité et l’inclusion. Les campagnes de sensibilisation et les formations permettent de promouvoir une prise de conscience des préjugés implicites et des comportements discriminatoires, contribuant ainsi à créer un environnement scolaire plus respectueux et inclusif. Par exemple, des programmes tels que « Stop Racism » en Belgique ont montré des résultats positifs en éduquant les élèves et le personnel scolaire sur les impacts du racisme et les moyens de le combattre (Stop Racism, 2020). Cette sensibilisation peut également passer par l’organisation d’ateliers et de journées thématiques avec des intervenantes spécialistes.

Cependant, la sensibilisation seule ne suffit pas. Elle doit être accompagnée de mesures structurelles et systémiques pour être véritablement efficace. Les limites des campagnes de sensibilisation résident souvent dans leur portée temporaire et leur dépendance à la bonne volonté individuelle. Sans un engagement institutionnel fort et des changements dans les politiques éducatives, les effets? de la sensibilisation peuvent être éphémères. Il est donc essentiel de combiner ces initiatives avec des réformes concrètes, telles que la révision des programmes scolaires et l’instauration de pratiques restauratives pour assurer un changement durable et profond.

Être inclusif

L’inclusion scolaire est essentielle pour créer un environnement où chaque élève, indépendamment de ses origines, genres ou croyances, peut s’épanouir. Des gestes concrets tels que l’adaptation des règlements d’ordre intérieur pour respecter les diversités culturelles et religieuses, ou encore la prise en compte des préférences alimentaires variées, sont des éléments clés d’une école inclusive. Prendre en compte l’intersectionnalité, qui examine comment les différentes formes de discrimination se croisent et s’amplifient, permet d’adresser les défis spécifiques que rencontrent les élèves à l’intersection du genre et du racisme (Crenshaw, 1991)4. Une approche intersectionnelle dans la mise en œuvre de politiques scolaires inclusives permet de mieux comprendre et de répondre aux besoins complexes des élèves, contribuant ainsi à réduire les inégalités structurelles présentes dans le système éducatif (Yuval-Davis, 2006)5.

Crédits
Autrices : Solange Umuhoza & Fariha Ali
Vidéos : Knock Knock Prod - https://knockknock-prod.be/
En collaboration avec la Cellule Educative de la Maison de la Prévention d’Auderghem (CEMPA)
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Date de réalisation : 2024

Pour aller plus loin : explorez le dossier pédagogique racisme au travail qui propose des animations à partir de ces vidéos. Disponible en PDF ici

Références
1. Darling-Hammond, S. (2023). Fostering belonging, transforming schools : The impact? of restorative practices. Learning Policy Institute. https://doi.org/10.54300/169.703
2. Smith, A. (2020). « The Role of Support Personnel in Addressing Racial Discrimination in Schools. » Educational Review, 72(3), 375-393.
3. Stoll, L., & Fink, D. (1996). « Changing Our Schools : Linking School Effectiveness and School Improvement. »
4. Crenshaw, K. (1991). *Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence Against Women of Color.* Stanford Law Review, 43(6), 1241-1299.
5. Yuval-Davis, N. (2006). *Intersectionality and Feminist Politics.* European Journal of Women’s Studies, 13(3), 193-209.