Contexte et méthodologie
Pourquoi un outil sur le racisme à l’école ?
Comment nous y sommes-nous pris.es ?
À qui nous adressons-nous ? Et puis d’abord, c’est quoi le racisme ?
Pourquoi un outil sur le racisme à l’école ?
Comment nous y sommes-nous pris.es ?
À qui nous adressons-nous ? Et puis d’abord, c’est quoi le racisme ?
On le sait, l’école est un miroir des inégalités qui traversent la société. Elle en est également bien souvent un révélateur. Et peut s’avérer traumatisante. Dans le podcast « Kiffe ta race? » qui aborde les questions de racisme et de discriminations, nombreuses sont les
- Personnes racisées
Par personnes racisées?, nous entendons les personnes qui subissent négativement les effets? du processus de racialisation?. Ce terme ne renvoie donc en aucun cas à quelque chose de naturel ou d’essentialisant. Ce terme désigne les personnes qui vivent structurellement les violences et discriminations racistes, qui se voient altérisées sur base de leur appartenance – réelle ou supposée – à un groupe social.
Par exemple, les personnes perçues comme noires, asiatiques ou musulmanes sont racisées : elles sont assignées à un groupe social essentialisé auquel des caractéristiques inférieures et déshumanisantes sont accolées. Cette assignation débouche des violences et discriminations structurelles.
A noter que la racialisation? touche aussi les personnes blanches? : dans une société structurée autour de la blanchité?, elles constituent la norme à partir de laquelle est définie l’altérité. Pour plus d’informations, aller voir également race? et processus de racialisation?.
intervenantes dans l’émission qui s’expriment en ce sens : c’est à l’école qu’elles découvrent le racisme et sont pour la première fois renvoyées à leur couleur de peau, par exemple via la question « tu viens d’où ? », posée de manière récurrente tant par les autres élèves que par les enseignant.e.s. Pourquoi ces enfants non-
- Blanc.hes, Noir.es
Dans cet outil, nous faisons références à certaines catégories, et notamment celles des personnes blanches? et des personnes noires?. Des termes qui renvoient instinctivement à une couleur et, surtout, qui suscitent généralement des craintes sur l’essentialisation de ces catégories.
Lorsque nous parlons de Noir? e s ou de Blanc? he s, nous ne faisons jamais référence à une quelconque réalité biologique ou naturelle, ni à l’existence de différentes races?. Les enfants vous le diront mieux que nous : les Blanc? he s ne sont pas blanc? he s, mais roses, beiges ou jaunes clair, tandis que les Noir?.es sont plutôt brun foncé ou brun clair.
Ces catégories sociales sont à comprendre sous un angle sociologique : elles renvoient à des constructions historiques qui influencent encore aujourd’hui sur la position sociale occupée par les individus selon leur assignation à tel ou tel groupe. Ces catégories ne sont donc pas naturelles, elles sont politiquement construites et évoluent dans le temps et dans l’espace.
Par exemple, une personne musulmane claire de peau qui ôte son foulard pour travailler au guichet d’une administration publique sera perçue différemment lorsqu’elle quittera le travail et replacera son foulard. La manière dont elle est perçue, les imaginaires? dont elle est l’objet, sa manière de se mouvoir dans la société – bref, son vécu au quotidien – sont tout à fait différents selon qu’elle porte son foulard ou ne le porte pas. Ainsi, être perçu.e comme Blanc? he ou Noir? e renvoie à des questions de pouvoir, à la position sociale que l’on occupe, et à la manière dont cette position impacte notre vécu.
Cette approche n’est pas sans poser quelques problèmes qui ont été soulevés par le groupe de volontaires. Par exemple, comment se positionner en tant que personne métisse dans cette binarité Blanc? / Noir? ? De même, comment rendre compte de toute la diversité qui peut exister au sein même de la catégorie des personnes blanches? ou des personnes noires? ? Comment éviter l’écueil de l’essentialisation ? Au sein de ces groupes, certaines personnes sont riches, d’autres en situation de précarité. Certaines sont en situation de handicap, d’autre non. Les individus qui composent ces groupes sont divers de par leur genre, leur orientation sexuelle, leurs centres d’intérêt, leur situation familiale, leur lieu de vie, etc... Une infinité d’identités qui, elles aussi, évoluent et impactent le vécu social.
Notre objectif n’est absolument pas d’enfermer les individus dans des groupes raciaux essentialisés sur base d’une couleur de peau, d’une culture? ou d’une religion, mais bien de questionner l’impact? de ces marqueurs sur le vécu social des gens. Pour cela, il s’agit dans un premier temps d’isoler ces marqueurs en particulier, avant de pouvoir complexifier le réel par la suite.
viendraient-ils de quelque part ? Pourquoi leur pose-t-on la question à eux, et pas à leurs camarades blancs? ? Pourquoi cet étonnement ou insatisfaction lorsque ces enfants répondent venir de Charleroi ou de Namur ?
Tant dans les classes et les cours de récréation que dans les salles des profs et les couloirs de la Direction, le racisme est présent à l’école. Le dernier baromètre « Diversité Enseignement » d’UNIA met en lumière le caractère très inégalitaire de l’enseignement en Belgique. Le racisme à l’école, qui peut prendre différentes formes, touche tous les enfants perçus comme non-blancs?, perçus comme provenant d’ailleurs, que ces enfants soient nés en Belgique ou non.
Or, les retours que nous donnent les acteurs et actrices de terrain indiquent une grande difficulté à faire face à ces constats dans le monde scolaire. Lors des formations et échanges que nous avons avec des professeur.e.s ou éducateurs.trices, à côté d’un
- Déni
Bien souvent, les personnes blanches? ne supportent pas d’être bousculées dans leur confort racial. Lorsqu’elles sont mises en lien avec du racisme, cela suscite chez elles des émotions intenses (étonnement, colère, indignation, culpabilité) et des réactions prévisibles. Parmi ces dernières, l’argumentation et la justification : « non, ce n’est pas raciste, parce que... ».
Derrière les multiples arguments qui suivent le plus souvent (parce que je suis une bonne personne, parce que j’ai un ami noir?, parce que ce n’était pas mon intention?, parce que tu m’as mal compris.e, ...) se cache une compréhension extrêmement pauvre du racisme. Une vision morale, totalement déconnectée de l’histoire et des rapports sociaux de pouvoir. Le racisme devient principalement la peur ou la haine des différences, alors qu’il est un système de domination qui crée ces différences et les hiérarchise. Comment expliquer cette ignorance?, en dépit du savoir existant ? Comment est-il encore possible de ne pas savoir ?
Cette ignorance? découle notamment du vécu de domination lui-même : nous sommes, en tant que personnes blanches?, socialisées de manière « à ne pas savoir ». En ne vivant pas l’oppression raciste et en grandissant dans une société modelée à notre image, nous nous trouvons isolé e s de toute violence structurelle liée à la race?. Cela dit, pour le philosophe Charles Mills [1], cette ignorance blanche? ne renvoie pas au seul fait de ne pas savoir dans le chef d’individus pris individuellement. Il s’agit plutôt d’un prisme, d’une manière de voir le monde, une sorte de « dysfonctionnement cognitif socialement avantageux » par lequel les sujets blancs? se trouveraient « pris au piège d’une blancheur aveuglante éclipsant la réalité des rapports sociaux » [2].
Cette perception de l’ignorance? ne doit pas pour autant nous sembler déresponsabilisante. Comme le rappelle Anne-Laura Stoler [3], le terme d’ignorance? est étymologiquement lié au verbe ignorer, verbe actif qui désigne le fait de se détourner de quelque chose. Cette ignorance? est entretenue car elle est nécessaire au groupe majoritaire pour préserver le statu quo. Ainsi, l’ignorance? devient du déni?, une ignorance? entretenue.
Pour plus d’informations à ce sujet, lire le chapitre IV de cette publication et les sources qu’il propose.
parfois tenace, il est surtout question d’une grande impuissance, avec l’impression de ne pas être suffisamment outillé.e.s, de ne pas savoir détecter les effets? du racisme ni comment réagir. L’impression, aussi, que le racisme jette un voile d’incompréhension tant avec leurs élèves que vis-à-vis de certain.es collègues. L’impression, enfin, de se sentir attaqué.es, montré.e.s du doigt.